"Ici me semble bien." Mon paternel m'annonce lorsque nous arrivons tous deux au plus au point des environs, emplacement d'où nous pouvons facilement observer les quelques dizaines de kilomètres à la ronde et d'où s'écoule une tranquille rivière.
"J'imagine que c'est une des raisons pour lesquelles, de tout le monde entier, il ait choisi cet endroit pour construire sa petite tribu." Je pense en voyant le petit cours d'eau, descendant naturellement la montagne, atteignant le bas de la vallée, puis disparaissant derrières un énième obstacle pour se finir je ne sais où plus loin.
"Alors..." Je commence d'un fatigué tout en m'asseyant sur un amoncellement me permettant de bien profiter de la vue tout en étant pas trop inconfortable, faisant attention à ne rien renverser de ce que contiens le baril que je tiens dans ma main gauche.
"J'imagine que nous sommes ici pour parler des deux gugusses ?" Je continue, plus comme une affirmation que comme une vraie question. Connaissant bien trop l'homme devant moi pour cela.
Homme qui semble encore plus vieux que d'habitude soit dit en passant.
Probablement mon imagination, j'imagine.
"Décidément, tu ne cesseras jamais de m'étonner." Celui-ci commence après un petit instant de silence, essayant encore inutilement de sembler surpris par ma facilité à le lire. Ce qui me fait terriblement l'impression d'un père qui félicite son enfant pour avoir fait un dessin valant deux sous.
Facilité qui n'est pas si spéciale entre-nous, même sans être un capteur. Honnêtement, n'importe qui qui aurait vécu un peu avec lui, même deux semaines grand max, pourrait le comprendre aisément, la personnalité de ce gars elle est lisse comme une boule de billard, rien de bien compliqué ou mystérieux chez lui.
Attends... C'est quoi un billard ?
...
Peu importe
"Shukaku !"
Mon père me sort de mes pensées, employant un ton dur que je ne l'avais jamais entendu utiliser de toute mon existence. Son visage quittant pour une très rarissime fois son son aspect tranquille et amical pour une facette plus... fragile.
Plus fatiguée, plus faible, plus incertaine, plus anxieuse, plus triste, plus... désolée.
Non
"Je pense que tu l'as déjà compris par toi-même." Il continue d'un voix que je n'ai jamais sentie aussi lasse venant de lui, son sourire faisant pale figure avec celui que j'ai toujours connu.
"Certainement grâce à tes capacités de capteur... Ou bien simplement que cela se voit déjà au niveau physique, ce qui veut dire que c'est encore pire que je ne le pensais. Peu importe."
"Combien de temps ?" Je demande simplement, ne voulant pas en passer plus en fausses questions et phrases détournées.
"Une dizaine d'année." Mon père me réponds dans un soupir.
"Une douzaine si je me limite fortement, en évitant le combat et l'utilisation de jutsu au maximum, ainsi que quelques idées que j'ai qui pourraient me permettre d'allonger un peu mon espérances de vie."
Si peu de temps.
Ce n'est pas juste.
Pourquoi lui ? Pourquoi maintenant ? N'avait-il pas dit qu'il serait toujours avec nous ? Comment allons-nous faire ? Que pouvons-n...
"Arrête ça." Une voix puissant, qui ne laisse aucune place à la discussion, d'une force que je pensais impossible de la part de mon créateur sort de ses lèvres, mettant fin à mon début de crise. Ce dernier se calmant alors dès que celui-ci voit qu'il a à nouveau ma pleine attention.
"Je le sais déjà." Il reprend de son sourire tout en se rapprochant petit à petit de moi, marchant d'un pas lent et détendu, respirant la tranquillité comme si nous parlions de tout et de rien.
"Haruki le sait déjà, tu le sais déjà, Sayuri le sais déjà. Asura et Indra, l'apprendrons eux sûrement très bientôt."
"Je n'ai pas besoin que l'on pleure, que l'on me pleure, que l'on s'apitoie constamment sur mon sort, que l'on ne me regarde qu'avec ces yeux-là. Que l'on ne vienne me voir que pour se rendre plus triste au départ qu'à l'arrivée, que pour me le rappeler à chaque fois que nos regards se croisent."
"Ce dont j'ai besoin." Il s'arrête quelques secondes tout en m'atteignant, planant lentement dans ma direction pour finir par poser délicatement sa main sur mon museau, me regardant avec plus de tendresse dans ces yeux que je n'en ai vu autre part de toute ma vie, la première et la seconde.
"C'est d'être sûr que la paix, telle que je l'ai maintenue depuis mon combat contre ma très chère mère, continue, pour des siècles et des siècles et autant que possible sois. Ce dont j'ai besoin, c'est que mes enfants fassent ce qu'ils sont destinés à être, des gardiens de cette paix. Ce dont j'ai besoin, c'est que mes petits soient fort, que tu sois fort. Que vous acceptiez cela, que vous l'enduriez, et que vous restiez unis."
"Alors s'il te plait." Il termine en me regardant droit dans les yeux, armé de ce sourire que je ne peux que détester en ce moment.
"Je sais que c'est cruel de te demander ça… mais ne pleure pas. Fais même tout l'inverse, fais comme si de rien n'était, sois fort et montre l'exemple pour tes frères et sœurs, ils en auront besoin."
Il s'écoule alors de longues minutes durant lesquelles nul ne parle, sachant tous deux que c'est inutile, les seuls sons pouvant atteindre mes oreilles étant ceux de la petite rivière, s'écoulant toujours, comme avant nous, comme pendant nous et pour je ne sais combien de temps après nous, elle qui ne prendra jamais que le chemin le plus facile et le plus rapide, sans prendre jamais compte de ses contemporains. Indifférente à nos personnes, à nos joies, à nos peines et à nos fins, nous, ceux qui ont une fin. Voyant, entendant, supportant, survivant et continuant toujours malgré ce qu'il peut se passer autour d'elle, et ce pour les années et années à venir. Vivant en marge de ce monde, partie intégrante de celui-ci, et pourtant indéfiniment détaché de lui. Continuant sans se poser de questions, impartial aux évènements. Éternelle composante et silencieuse spectatrice de la vie.
"Tu me demande tellement." Je comme à répondre après un long soupir de fatigue, soudains bien plus extenué qu'il n'y a peu de temps auparavant., malgré mon mal, en me reprenant, essuyant de petites larmes que je n'avais pas senties se déposer sur mes joues.
"C'est à l'ainé que l'on demande ce genre de choses normalement. Qu'est-ce qu'il y a ? Kurama est trop faible pour ce job ?" Je dis ironiquement, essayant de faire un peu d'humour pour détendre l'atmosphère, ce qui est un gros échec.
"Mpfff." Mon paternel pouffe légèrement à mes paroles avec un visage amusé, ne semblant pas vraiment d'accord avec ce dernier point.
"Tu sais très bien comme moi que, même e théorie, tu es le plus vieux." Il me reprend avec un regard complice.
"De toute manière." Il continue tout en me tournant le dos, se dépçant dans les airs pour se poser sur une petite pierre non loin afin de s'en servir de chaise. Visiblement lui aussi assez peu envieux de rester debout pour une conversation qui, nous le savons tous deux car connaissant chacun l'autre à la perfection, pourrait durer jusqu'à demain matin. Peut-être même plus, si je me réfère au soleil se couchant actuellement, me confirmant que vu le temps qui reste, cela pourrait être encore plus long.
"Même si je l'aime de tout mon cœur, je sais fort bien que, tant au niveau de l'intellect ou de la maturité, Kurama t'est bien inférieur."
Pour une fois, je ne peux être que d'accord avec toi Papa.
"Mais revenons au plus important." Il me ramène d'un ton doux, mais qui ne laisse pas de place à la discussion, sur un sujet qui semble crucial pour l'avenir, selon lui, donc probablement le cas.
"Qui, de mes deux fils, choisirais-tu pour reprendre le flambeau ?" Il me demande sans détour.
Voyant que je ne réponds rien, il se décide à continuer.
"Tu le sais comme moi, eux-mêmes en sont déjà conscients, il n'y a qu'un seul maitre du ninshu. Seul une personne peut mener mon dojo, seul un peut maintenir la paix, seul un peut conduire les hommes vers le chemin de la paix, tout en leur enseignant le ninshu, pour ainsi les rapprocher un monde plus juste"
"Mes enfants, comme tu le sais tout aussi bien, sont bien que proches, très différents. Il sont même, on peut le dire, comme les deux faces d'une même pièce. Deux grands opposés, dont les visions pour faire atteindre ce monde vers la paix ne sont qu'incompatibles. Visions qui, chacune pourrait être la bonne comme la mauvaise, pourrait faire perdurer la prospérité de ce monde comme pourrait faire basculer celui-ci dans le pire."
Il poursuit
"Ce dilemme n'en est que plus difficile, je ne veux pas m'antagoniser l'un de mes deux précieux petits, mais je sais très bien qu'il y a choix qui DOIT être fait. Et, bien qu'ayant déjà une petite préférence en tête, je voulais te demander conseil."
"Alors. Shukaku." Il conclut d'un ton lourd.
"Qui, d'Indra ou d'Asura, incarne le meilleur chemin pour la paix ?"
"Mmmmm" Je fais alors avant de me terrer dans un silence de quelques secondes, jugeant avec attention avant de donner la réponse la plus adéquate que je puisse donner.
"Franchement... aucune idée." Je lâche en haussant des épaules de désinvolture, mon père se mettant alors étrangement à tousser comme s'il venait d'avaler de travers.
"Pardon ?" Celui-ci fait après s'être remis de sa surprise.
"Honnêtement, je pense que les deux ont faux." Je reformule d'un ton calme, mon père semblant intrigué par cette réponse, si j'en crois son visage perplexe.
"Eh bien ils ont chacun leurs forces et leurs défauts." Je développe alors.
"L'un est talentueux dans à peu près tout ce qu'il entreprend, assidu et d'une intelligence rare, mais est renfermé, arrogant et n'a que peu d'amis, même si l'on compte ceux qui viendront attiré par ses talent et cherchant à profiter de ces derniers. Bref il semble incapable de s'attirer la moindre attention positive des autres. Si c'est lui qui reçoit le pouvoir, voire le prend, peu importe, cette paix à laquelle tu aspire tant pourrait théoriquement exister, mais elle le serait au prix d'une domination sans partage et sans amitié de la part d'une personnes sur toutes les autres, contrôlant tout et n'étant entouré que principalement par des avides de pouvoir. Ce serait une paix maintenue par la violence et la peur de se faire écraser, une paix de soumission."
"Donc c'est à Asura que je d..." Mon père commence à prendre immédiatement ses propres conclusions, mais je l'interromps de suite d'un geste de l'index, lui signifiant que j'ai loin d'avoir fini. Celui-ci se taisant alors.
"L'autre quant à lui est, comme tu l'as si bien dit, l'exact opposé de l'un." Je continue une fois qu'il cesse de parler.
"Il vainc aisément son frère sur les lacunes sociales de ce dernier. C'est simple, tout le monde l'aime, qui que tu sois, il se fait de toi un proche sans problème, même si tu ne le connais en rien. Simplement au premier regard, tu es déjà comme envouté par lui, pris par son affection et son charisme naturel, qui ne te donne envie que d'une chose en le voyant... Celle d'être son ami."
"Mais, ses facilités de contact envers les gens ne l'empêchent pas d'être tout autant le contraire de son frère envers les forces de ce dernier. Pour résumer simplement, là où l'un se distingue par son talent et son intelligence, l'autre se distingue quant à lui de par son énorme manque en ce qui concerne ces deux choses-là. Si celui-ci devrait régner un jour, cette paix serait quant à elle, contrairement à celle de son frère, une paix forgée dans l'amitié et dans l'amour. Ce qui est certes une belle paix à avoir, en théorie. Mais une paix sans la moindre force ou menace pour la maintenir, se basant juste sur le bon vouloir des gens, est une paix si fragile et tellement destinée à se briser. Car tout le monde n'est pas aussi sensible à l'amour, il suffirait d'une personne assez forte et qui ne sois pas restreinte par ce genre de sentiments pour faire exploser cette paix. En bref, c'est une belle idée de la paix, une belle utopie, mais dans les faits, elle est irréalisable. De plus, comme on dit, trop bon trop con. Et Asura en est le parfait exemple, naïf, croyant sans fin que tous ne veulent que du bien aux autres et incapable de s'imaginer que les gens sont en fait la plupart du temps terriblement égoïstes"
"Et donc ?" Me demande alors mon père
"Qui est donc le plus apte à apporter une paix sans fin à ce monde ?"
"En fait." Je continue face à un Hagoromo semblant de moins en moins confiant en l'avenir.
"D'un point de vue théorique et totalement factuel, je ne pense pas que la paix perpétuelle puisse exister. Il n'est possible que rallonger le temps entre deux troubles de quelques années tout au plus, jamais de faire en sorte qu'il n'y en ait plus."
"Pourtant cette paix je l'ai maintenue toute ma vie durant." Un Hagoromo semblant légèrement attristé me répond.
"Et que se passera-t-il quand tu mourras ?" Je lui rétorque de suite d'un ton peut-être un peu dur.
"Elle partira avec toi, la seule chose que l'on peut vraiment influencer, c'est le quand. Et pour parler franchement, rien que l'idée de créer ce titre et tous les pouvoirs qui vont avec. Et de mettre ainsi tes deux fils, et leurs deux visions, dos à dos pour choisir celui qui sera le chef de ce nouveau monde et celui qui n'aura rien, les mettant ainsi en rivalité, c'est déjà semer les graines d'un terrible conflit. Basé sur les jalousies, la fierté et la certitude égocentrique que sa vision est la bonne et l'unique valable."
"Ce qui nous laisse encore avec cette question... Qui ? Qui pour le quand ?" Me redemande alors mon père n'acceptant visiblement pas ma vision des choses si j'en crois son expressions.
Comme quoi, c'est bien vrai. Même le plus grand des sages et le plus grand des génie ne peut véritablement se remettre en question. Poussé par son ego à ne jamais remettre en cause sa vision du monde pourtant terriblement imparfaite.
Comme chacune des vision qui existent d'ailleurs
"Franchement c'est un faux choix, juste deux chemins pour une même arrivée." Je poursuis d'un ton désolé pour mon père, pour son beau rêve surtout.
"1 : Indra devient chef, il installe une paix grâce à sa force, mais ne parvient jamais à s'attirer la sympathie de la majorité des gens, au contraire devient trop autoritaire. Asura se rebelle alors car il le trouve trop violent. Et ils se battent.
2 : Asura devient chef, Indra se rebelle car il se trouve plus digne que lui, trouve Asura trop mou, que ce soit vrai ou non n'a pas d'importance, ou simplement par jalousie. Et ils se battent."
"Mais bon, pour te faire plaisir, Asura."
"Tu as une vision bien pessimiste des choses, Shukaku. Trop" Mon père commente une fois fini, presque déçu.
"Et si tu es si sûr que mes deux fils finiront par se battre, comment peux-tu faire comme si de rien n'étais et t'amuser de la sorte avec les deux ?"
"N'as-tu pas déjà oublié ce que tu m'as demandé plus tôt ? De faire comme si de rien n'étais et de juste prendre du plaisir ensemble ?" Je réponds de suite avec un petit sourire, celui-ci se transmettant directement à mon paternel.
"De toute manière. Quand on sais que l'existence est une chose si fragile et si impossible à prévoir, on se contente juste de s'asseoir et de profiter des choses... C'est ce que ma précédente existence m'a enseigné." Je rajoute, faisant s'esclaffer légèrement mon père pour je ne sais quelle raison
"Néanmoins." Ce dernier reprends une fois son rire terminé, tout en se relevant de sa position assise pour s'étirer lentement.
"Je pense que je vais choisir Asura, c'était déjà mon choix premier. De plus je crois en sa capacité à faire vivre mon rêve et à la maintenir, cette paix."
Ben voyons, facile d'y croire en la paix par la gentillesse et la bonne volonté des gens, quand l'on peut découper des montagnes avec de simples coups de pieds.
"Allez Shukaku..." Il me fait signe de le suivre tandis qu'il comme déjà à marcher tranquillement sur le chemin du retour.
"Voyons laquelle de nos visions est la vraie, voyons laquelle de ta prédiction ou de la mienne se réalisera."
"Dix contre un pour la mienne." Je fais avec un petit sourire.
"Tenu." Me tiens sa voix sûre d'elle.
"Néanmoins, je trinque à la réalisation de la tienne." Je rajoute tout en levant quelques secondes mon baril, que j'avais oublié entre temps, comme on le faisait dans mon ancien monde, avant de l'aphone rapidement pour ensuite me relever et suivre mon paternel.
Hein ?
"Oula." Je fais en me sentant soudain tout drôle, voyant soudainement le monde en beaucoup plus flou... et beaucoup plus lent, surtout en ce qui me concerne.
Ah merde, j'avais oublié ça.
Six ans de sobriété ouais ?
"Pap... Papa." J'appelle d'un ton bizarre, ma voix déraillant comme si j'avais chanté tel Bocelli des heures durant.
"Oui Shuk..." Celui-ci répond de son habituel ton doux retrouvé, avant de s'arrêter brusquement, probablement car il a jeté un simple coup d'œil dans ma direction.
"Je pense... que je..." Je commence avant d'oublier ce que je voulais dire, préférant à la place m'écrouler lourdement sur le col, sentant quelques arbres être emportés avec moi.
"Shukaku !" Mon père revient à toute vitesse en me demandant d'un ton étrangement inquiet, m'est d'avis qu'il n'a jamais vu un démon à queue dans cet état.
Il a l'air beau à voir le "pilier" de la fratrie.
"As-tu besoin de quoi que ce soit ?" Il continue d'un ton maintenant plus... embarrassé ?
"T'aurais pas un seau à portée de main." Je supplie d'une voix lourde tout en essayant péniblement de rester "normal".
"C'est que je ne pense pas en avoir vraiment à ta taille..." Il s'excuse avec un sourire gêné tout en se grattant la tête, ce qui me rappelle étrangement quelqu'un.
"C'est pas grave." Je laisse tomber tout en agitant lourdement ma main pour appuyer mon propos.
"J'ai vu un petit lac pas loin, ça fera l'affaire."
"Mais attends ! C'est le lac où les gens viennent pêcher leurs poissons."
"Ben tant pis…"
Franchement, quelle honte.