Chapter 2 - Chapitre 2: le sourire caché

Le verre brisé jonchait le sol de la classe, scintillant sous les néons vacillants. L'Ombre Joueuse se dressait au centre, sa silhouette d'enfant difforme ondulant comme de l'encre renversée. Ses yeux, deux billes de verre brillantes, balayaient la pièce, et son sourire tordu s'élargissait, dévoilant des dents de craie irrégulières. La comptine résonnait encore dans les haut-parleurs, plus rapide, plus stridente : Trouvez le sourire caché, ou le Loup viendra !Les élèves hurlaient, se bousculant vers le fond de la classe. Élyvane s'effondra contre le mur, ses sanglots étouffés par le chaos. Lauric brandissait toujours sa chaise, les jointures blanches. "Reculez, je vais défoncer ce truc !" cria-t-il, mais sa voix tremblait."Non !" s'écria Lilie, les yeux fixés sur l'Ombre. "Ne l'attaque pas ! Ça ne sert à rien !" Elle connaissait ces créatures. Six ans plus tôt, elle avait vu un garçon frapper une Ombre avec une batte. Il avait disparu en un instant, avalé par leurs ténèbres.Amaréline, adossée à un bureau, ricana malgré la peur dans ses yeux. "Et quoi, Lilie ? On reste là à attendre qu'elle nous bouffe ? T'as un plan, ou tu fais juste la mystérieuse ?"Lilie l'ignora, son regard rivé sur le tableau noir. Le sourire dessiné à la craie semblait pulser, comme s'il respirait. "Le sourire caché… c'est ça qu'elles veulent," murmura-t-elle. Elle s'avança, le cœur battant, ignorant les cris de Lauric."Lilie, t'es folle !" lança-t-il, mais il lâcha la chaise et la suivit, prêt à intervenir.Clarent, toujours près de la porte, analysait la scène avec un calme glacial. "La comptine dit de trouver le sourire, pas de le détruire," dit-il. "Il doit y avoir un objet, un symbole… quelque chose à activer."L'Ombre Joueuse inclina la tête, son rire aigu perçant les tympans. Elle glissa vers Élyvane, qui hurla, se recroquevillant. "Elle me voit ! Elle sait que je suis là !" gémit-elle.Lilie serra les poings. Elle ne pouvait pas laisser Élyvane être prise. Pas encore. Pas comme avant. Elle courut vers le tableau, ses baskets crissant sur le verre brisé. Le sourire de craie semblait la narguer, ses contours irréguliers vibrant sous la lumière. Elle tendit la main, hésitante. "C'est toi, hein ?" murmura-t-elle."Lilie, fais vite !" cria Lauric, jetant un regard à l'Ombre, qui s'approchait dangereusement d'Élyvane.Du coin de l'œil, Lilie vit Amaréline fouiller un bureau, renversant des cahiers. "Sérieux, on risque nos vies pour un dessin débile ?" marmonna-t-elle, mais elle continuait à chercher, ses mains tremblantes.Clarent s'approcha du tableau, ajustant ses lunettes. "Attends," dit-il, pointant un détail. Au centre du sourire, une petite forme était gravée : une clé, à peine visible dans la craie. "C'est un indice. La clé doit être quelque part."Lilie scanna la pièce. Une clé. Une clé rose, comme dans la comptine de son passé. Son regard s'arrêta sur le bureau de Mme Dubois, où un trousseau de clés reposait, oublié. Parmi elles, une petite clé rose, ornée d'un smiley en plastique. "Là !" cria-t-elle, sprintant vers le bureau.L'Ombre Joueuse pivota, ses yeux de billes fixant Lilie. Elle glissa vers elle, plus rapide, son rire devenant un sifflement. Lauric s'interposa, attrapant un extincteur au mur. "Dégage, monstre !" rugit-il, projetant un jet de mousse. L'Ombre recula, mais son sourire s'élargit, comme si elle s'amusait.Lilie saisit la clé rose, ses doigts glissant sur le plastique. Elle revint au tableau, ignorant la brûlure de la peur dans sa poitrine. "Qu'est-ce que je fais avec ça ?" demanda-t-elle à Clarent."Essaie de la poser sur le dessin," répondit-il, sa voix ferme malgré le chaos.Lilie pressa la clé contre la forme gravée dans le sourire. Un déclic résonna, comme si le tableau s'ouvrait sur un autre monde. Le sourire de craie s'effaça, remplacé par un éclat de lumière rouge. La comptine s'arrêta net.L'Ombre Joueuse se figea, puis éclata en un millier de fragments d'encre, disparaissant dans un hurlement aigu. Les néons se rallumèrent, et un silence oppressant s'installa.Élyvane, tremblante, murmura : "C'est… fini ?"Lilie secoua la tête, serrant la clé rose. "Non. Ce n'était que la première épreuve."Amaréline croisa les bras, son regard perçant fixé sur Lilie. "T'as déjà joué à ça, pas vrai ? Comment tu savais pour la clé ?"Avant que Lilie puisse répondre, un nouveau bip résonna. Les téléphones s'allumèrent, affichant un autre message : "Bravo, petits joueurs. Le Loup vous a laissés vivre… pour l'instant. Trouvez la porte du Loup avant minuit, ou il viendra tous vous chercher."Lauric jura, jetant l'extincteur au sol. Clarent fronça les sourcils, notant quelque chose dans son carnet. Élyvane pleurait doucement. Et Lilie, fixant la clé dans sa main, sentit une voix familière murmurer dans sa tête : Tu ne peux pas m'échapper, Lilie. À suivre…