Quand Kael voulut bouger malgré la douleur,
il ne put.
Ce n’était pas une paralysie totale,
mais plutôt une sensation étrange,
comme si son corps était devenu une machine inerte.
Il ressentait la capacité de bouger,
mais il ne pouvait pas agir naturellement.
C'était comme si l’on voulait déplacer une voiture sans carburant :
on pourrait la faire bouger, lentement, avec difficulté,
mais sans pouvoir l’animer d'une manière fluide.
Il devait faire un effort insensé
pour même bouger d’un millimètre.
Ce n’était pas une incapacité physique réelle,
mais une impression viscérale,
comme si une force invisible
retenait son corps dans une immobilité totale.
Il avait beau lutter,
il se sentait comme un étranger dans son propre corps.
Et pourtant…
il savait que ce n’était qu’une sensation.
Et non un fait.
Il savait que quelque chose s’était passé.
Quelque chose d’inconnu.
Quelque chose qu’il n’avait jamais entendu décrire par quiconque…
Si !
Plus ou moins,
dans les histoires des anciennes écoles de Murim.
Cependant,
alors qu’il était en proie à cette confusion extrême,
il remarqua soudainement quelque chose
qui s’était passé dès le début,
mais qu’il n’avait pas pris en compte jusqu’à présent.
Au-dessus de sa tête,
la flamme bleutée-noirâtre,
qui était restée immobile
depuis qu’il avait pénétré dans cet endroit,
commença lentement à descendre.
Chaque mouvement de cette flamme
semblait plus lourd,
plus imposant,
et son approche était inévitable.
Le cœur de Kael rata un battement.
Un frisson glacial le parcourut.
Il était devenu blême.
Une peur glacée.
Une terreur irrationnelle
se saisit de son être.
Il ne savait pas pourquoi,
mais il avait tout à coup compris :
La dernière chose qui avait bougé ici
lui avait fait subir le pire calvaire.
Il secoua la tête,
désespérant d’échapper à cette situation.
Mais il ne pouvait pas.
Ses yeux suivaient la flamme
qui descendait progressivement,
s’approchant de sa poitrine.
Chaque centimètre gagné par la flamme
était un pas de plus dans l’abîme de la peur.
Il avait le sentiment
que la flamme allait le dévorer…
ou l'engloutir dans une autre dimension de douleur.
Dans un état presque frénétique,
il tenta de se mouvoir dans tous les sens,
mais son corps répondait difficilement.
Ses membres se mouvaient à une vitesse
qui n’avait rien de naturel.
Sa tête se balança d’avant en arrière,
prisonnière du vertige qui le saisissait.
Son esprit se noyait
dans un tourbillon de stress…
Mais sans qu’il ne s’en rende compte,
son crâne heurta le sol
avec une telle force
que l’impact laissa une marque profonde dans la pierre,
aussi dure que du marbre.
La douleur était écrasante.
Mais elle semblait fugace.
Insignifiante,
face à ce qu’il ressentait vraiment.
Enfin,
la flamme s’arrêta juste au niveau de son estomac.
Elle suspendit son mouvement un instant,
comme si elle l’observait…
Avant de se diviser
en une succession de mini-flammèches
qui dansaient autour de lui,
comme des esprits flamboyants.
Elles se frayaient un chemin à travers l’air,
traçant des lignes de feu
sur chaque membre de son corps.
Mais il y avait trois zones
où une flamme plus intense s’arrêta :
L’estomacLe cœurLa tête
Celles-ci brûlaient plus fort.
Plus intensément.
Comme si quelque chose d’encore plus profond
et mystérieux les attendait.
C’est à cet instant que Kael comprit.
Son cœur s’arrêta de battre pendant un instant…
Il savait que ça allait recommencer.
Il entendit une voix douce,
presque maternelle,
chuchoter à son oreille.
La voix était sereine.
Réconfortante.
Mais étrangement étrangère.
Elle murmura :
« Un dernier effort, et ce sera fini.
Un dernier effort, je crois en toi… »
C’est alors que les flammes pénétrèrent son corps.
Toutes en même temps.
8e Écho (suite et fin)
La sensation qui s’en suivit
était plus horrible que tout ce qu’il avait vécu jusqu’à maintenant.
Une agonie indescriptible.
Sa peau se transforma.
Une chaleur surnaturelle
se répandit dans ses cellules…
Et il hurla.
Les cris d’agonie résonnèrent dans tout l’espace,
non seulement dans son esprit,
mais aussi dans l’air.
Les ténèbres elles-mêmes
semblaient trembler
sous l’intensité de ses hurlements.
Le bruit de ses souffrances
était si intense
que même l’obscurité,
implacable et éternelle,
semblait le craindre.
Un liquide noir
s’échappa de ses pores,
se déversant comme un fluide toxique,
une substance visqueuse,
nauséabonde.
Son sang aussi s’échappait,
par moments,
en petites éclats
à chaque tourment de son corps.
La couleur de sa peau changea.
Elle devint d’un noir translucide,
comme si les flammes circulaient
à travers ses veines,
ses artères,
ses muscles,
ses tendons,
chaque fibre de son corps.
C’était comme si les flammes
exploraient ses canaux internes,
dévorant tout ce qui était impur,
purifiant chaque cellule.
Mais cela ne se termina pas là.
Ses membres tremblèrent.
Son corps se tordit,
alors que les flammes
expulsaient toute impureté.
Transformant Kael
en quelque chose de nouveau.
De radicalement différent.
Subitement,
une nouvelle sensation se manifesta.
Au cœur de la douleur intense,
Kael sentit une légèreté étrange
envahir ses doigts.
Au début,
il pensa que c’était une illusion,
une fausse perception née de la souffrance.
Mais non.
Il était bien en train de sentir ses doigts,
qu’il n’avait presque plus conscience de posséder.
Les douleurs aiguës qui les envahissaient
semblaient s’atténuer,
comme si quelque chose d’autre prenait le dessus.
Comme si ses doigts devenaient moins douloureux.
Plus solides.
Il tenta un mouvement prudent.
D’abord ses doigts,
qui se pliaient lentement,
hésitants.
Puis ses mains.
Chaque muscle.
Chaque tendon
semblait se réveiller,
retrouvant une souplesse
qu’il avait perdue pendant des éternités de souffrance.
Il n’arrivait pas à comprendre.
Comment ?
Pourquoi ?
Il ne savait pas.
Mais les sensations de douleur
semblaient se dissiper,
laissant place à une sensation de complétude,
comme si chaque partie de son corps était…
Termine.
Finie.
Achevée.
Ses bras bougèrent alors, lentement.
D’abord avec une lenteur mécanique,
comme s’il apprenait à les utiliser de nouveau.
Mais petit à petit,
cela devint plus fluide.
Il sentait la tension dans ses muscles,
mais rien de comparable
à l’agonie qui les avait traversés avant.
C’était comme s’ils avaient été réparés.
Refondus.
Comme si les flammes avaient modifié
chaque fibre de ses bras,
chaque fil de ses muscles,
pour les rendre plus puissants.
Plus réactifs.
Il continua à explorer cette nouvelle sensation.
Ses jambes.
Ses pieds.
Ses hanches.
Sa colonne vertébrale…
Chaque partie de lui
se remettait en place progressivement.
Chaque mouvement qu’il faisait
semblait plus fluide.
Plus naturel.
Comme s’il retrouvait un corps
qu’il avait perdu depuis trop longtemps.
Chaque zone douloureuse
semblait être “terminée”,
comme si la souffrance
ne la concernait plus.
La guérison s’opérait à une vitesse
qu’il ne pouvait comprendre.
Ses cicatrices internes se refermaient,
et les muscles et os se reformaient
dans un agencement parfait.
Comme si toute la douleur
qu’il avait vécue
avait préparé son corps à cette réincarnation.
À ce nouveau commencement.
Et ce qui le frappait le plus,
c’était cette étrange sensation de complétude.
Cette immensité de renouveau
qui se répandait dans chaque partie de son être.
Il n’était plus seulement un homme brisé,
tourmenté par la douleur.
Il était quelque chose d’autre.
Un être transformé.
Et chaque mouvement,
chaque geste,
lui paraissait étrangement facile.
Comme si le monde qui l’entourait
avait adopté un nouvel équilibre.
Un équilibre
qu’il n’aurait jamais cru possible.
⋯
Il comprit, avec un vertige,
que la transformation
était loin d’être terminée.
Ce qu’il avait ressenti tout à l’heure,
cette douleur insupportable…
Ce n’était que le début.
Ce corps qu’il avait retrouvé,
cette forme nouvelle…
Elle lui appartenait désormais.
Mais…
À quel prix ?
Que devenait-il ?