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Chapter 12 - 9e Echo : Catharsis & Connexion

Kael avait terminé son épreuve.

Mais une hésitation le traversa.

Était-ce réellement fini ?

Ou un autre cycle de souffrance allait-il encore se déclencher ?

La douleur dans son corps, bien que supportable, était encore présente.

Pourtant, il se sentait paradoxalement libéré,

comme si une souffrance qu’un être humain normal ne pourrait même imaginer

venait enfin de s’éteindre.

Avant même de tenter de se redresser,

il scrutait l’obscurité d’un regard à la fois curieux et terrifié.

Chaque mouvement dans l’air,

chaque frémissement de lumière,

chaque variation du silence…

il les attendait comme une promesse d’un nouveau tourment.

Les minutes passaient.

Mais rien ne venait.

Aucune secousse, aucun bruit, aucun changement dans le décor.

L'obscurité était toujours là.

Si tranquille.

Si oppressante.

Accompagnée uniquement par le crépitement distant des torches.

Puis il remarqua un mouvement.

Léger.

Presque imperceptible au début.

Un fil de brume,

fin comme un souffle,

se forma devant lui.

Ce n’était pas une menace. Non.

Ce mouvement n'était qu’une étrange danse,

un phénomène visuel presque artistique.

Comme une représentation délicate.

Une œuvre d'art suspendue dans l’air.

Mais quelque chose,

dans la régularité de la brume,

attira son attention.

Cette danse semblait presque trop calculée,

trop précise pour être purement esthétique.

La brume se tordait,

s’enroulait,

prenait forme,

tout en restant fluide et mystérieuse.

Il en observa un autre.

Puis un autre.

Chacun plus raffiné que le précédent.

Les fils se tissaient

comme si l’air lui-même

était transformé en un tableau vivant.

La brume sembla soudain se figer.

Et Kael, malgré la tension qui s’installait dans ses muscles,

se concentra davantage.

C’était étrange.

Presque fascinant.

L’air autour de lui

se chargeait d’une sorte de pression,

une forme de suspense lourd.

Puis,

l’impossible se produisit.

Les fils de brume commencèrent à se transformer.

Non en formes.

Mais en caractères.

Des symboles.

Des lettres.

Comme un calligraphe dessinant dans l’espace vide.

Une langue qu'il ne comprenait pas,

mais qui semblait lui parler directement.

Les caractères défilaient devant lui à une vitesse impressionnante,

changeant sans cesse,

cherchant leur équilibre, leur rythme.

Un instant,

il crut que la brume était simplement aléatoire.

Puis il remarqua la logique,

cachée sous le chaos apparent.

Comme si chaque caractère était une tentative.

Un test.

Une recherche.

La brume semblait choisir.

Abandonner certains signes.

En essayer d’autres.

Kael fronça les sourcils,

ses pensées tourbillonnant dans sa tête.

C’est alors qu’il les aperçut.

Quelques symboles qu’il reconnaissait.

Il ne savait pas d’où ils venaient,

ni comment il pouvait les reconnaître,

mais il le savait.

Ces caractères, bien qu'étranges, lui étaient familiers.

Un frisson glacé lui parcourut l’échine.

C’était comme si la brume attendait sa réaction.

Comme si chaque changement dans son visage,

dans ses yeux,

influençait la danse de ces signes.

La vitesse avec laquelle la brume s’adaptait à lui

était stupéfiante.

Presque déconcertante.

Les symboles apparurent d’abord sans logique.

Un à un, ils se formaient dans la brume sombre qui entourait Kael.

"Arbre."

Kael sentit une étrange sensation au creux de son estomac.

Il comprenait ce mot,

mais sans savoir pourquoi.

Son regard se fixa sur les lettres formées dans la brume,

une impression familière flottant dans son esprit.

C'était comme si ce mot avait toujours été là,

enfoui en lui,

attendant d’être réveillé.

Il hésita,

puis baissa les yeux.

Ses doigts effleurèrent la cendre au sol.

Lentement,

il traça un tronc,

puis des branches rudimentaires.

La brume frémit.

Un nouveau mot apparut presque aussitôt.

"Viande."

Kael releva la tête.

Encore une fois, il comprenait.

Mais pourquoi ces mots ?

Il hésita à réagir de la même manière,

puis traça du bout du doigt la forme grossière d’un animal.

La brume ondula plus fort.

"Manger."

Kael fronça les sourcils.

Les mots étaient basiques,

déconnectés les uns des autres,

mais ils faisaient sens.

Un test ?

La brume voulait-elle voir s’il comprenait ?

Il porta machinalement la main à sa bouche,

mimant l’action de manger.

La réaction fut immédiate.

La brume se condensa brièvement,

puis recommença à tracer d’autres mots.

Mais cette fois,

elle semblait plus ciblée.

Comme si elle avait trouvé la bonne fréquence,

le bon langage.

"Moi... protéger... pomme."

Kael tressaillit.

Une partie de la phrase lui semblait claire,

mais... "pomme" ?

Il cligna des yeux,

perdu,

et laissa transparaître son incompréhension.

Ses sourcils se froncèrent,

et son regard hésitant analysa les symboles.

La brume s'agita brusquement.

Comme si elle avait compris qu’il y avait une erreur.

Elle hésita.

Puis, lentement,

elle effaça "pomme"

et le remplaça :

"Moi... protéger... toi."

Kael se figea.

Cette fois,

il n'y avait pas d'erreur.

Un frisson lui parcourut l’échine.

Il ne savait pas qui ou quoi était cette entité,

mais une chose était claire :

Elle cherchait à lui parler depuis longtemps.

Puis, soudainement,

un son résonna.

Faible.

Hésitant.

Fragile.

Une voix.

Brisée.

Tremblante.

Comme un enfant qui apprenait à parler.

— M-moi... pr... pro-té... ger...

Kael sursauta violemment,

son souffle se coupant d’un coup.

Il ne savait pas ce qu’il avait entendu,

mais son corps lui criait de fuir.

Le silence s’épaissit.

Puis, dans la brume,

des lettres se tracèrent en urgence,

presque paniquées :

"Pardon... moi... pas... vouloir... peur... toi... juste... vouloir... parler... depuis... très... longtemps... avec... toi."

L’écriture était toujours hésitante.

Maladroite.

Mais Kael ressentit quelque chose au fond de lui.

Elle essayait.

Elle voulait vraiment communiquer.

Kael ressentit un pincement au cœur.

Il savait que sa réaction avait été excessive.

Ce n'était pas volontaire,

il n'avait pas cherché à lui faire peur...

mais son corps avait réagi instinctivement.

Pourtant,

au fond de lui,

il sentait qu'elle ne lui voulait aucun mal.

Il n’avait aucune preuve,

aucune promesse en ce sens,

mais cette sensation…

Cette pression au creux de sa poitrine

était trop intense pour être ignorée.

Prenant une profonde inspiration,

il essaya de se rassoir,

feignant une posture calme,

comme si rien ne s’était passé.

Mais ses mains,

encore légèrement tremblantes,

trahissaient son trouble.

Il voulait conserver un minimum de dignité,

faire croire qu’il maîtrisait la situation.

Et, sans trop savoir pourquoi,

il fit ce qu’il avait l’habitude de faire avec sa petite sœur

lorsqu’il voulait s’excuser.

Il posa ses poings au sol

et s'inclina brusquement…

peut-être un peu trop brusquement.

Son front heurta violemment le sol,

provoquant une légère fissure sous l’impact.

Il resta un instant immobile,

les yeux écarquillés,

réalisant à peine ce qui venait de se produire.

Un son brisa le silence.

Un éclat de rire.

Léger.

Cristallin.

Il leva lentement la tête,

surpris.

C’était elle.

Cette voix,

auparavant hésitante et fragile,

riait à présent à pleins poumons.

Un rire sincère.

Incontrôlable.

Presque enfantin.

Kael ne savait pas

s'il devait être gêné, soulagé, ou simplement perdu.

Mais après quelques secondes,

il passa une main derrière sa tête,

un sourire amusé aux lèvres,

puis laissa échapper un rire à son tour.

Il ne savait même pas pourquoi il riait,

mais ce moment…

ce moment lui faisait du bien.

Cela faisait si longtemps

qu’il n’avait pas ri ainsi.

Comme si un poids immense

venait de disparaître d’un coup.

Le rire de la voix s’apaisa peu à peu,

laissant place à un silence plus doux.

Puis, hésitante,

elle tenta de parler à nouveau :

— Kael... toi... important... pour... moi...

Kael cligna des yeux, perplexe.

Important pour elle ?

Il ouvrit la bouche,

mais aucun mot ne sortit.

— Toi... soit... parler... soit... penser... Deux... même... temps... dur... moi... comprendre...

Il fronça légèrement les sourcils.

Il lui fallut un instant pour assimiler la phrase.

Puis, réalisant ce qu’elle venait d’insinuer,

il demanda à voix haute :

— Attends… Est-ce que par hasard, tu peux entendre mes pensées ?

Un léger rire enjoué lui répondit.

— Ouuuui... Depuis... toi... petit... moi... entendre... toi... voix... penser...

Kael sentit un frisson lui parcourir l’échine.

— Depuis que je suis enfant ? murmura-t-il,

son regard se perdant dans le vide.

Si elle pouvait entendre ses pensées depuis tout ce temps…

alors cela signifiait qu’elle l’observait

depuis bien plus longtemps qu’il ne l’imaginait.

L'air commença à vibrer légèrement,

comme si quelque chose d'invisible

réagissait à ses pensées.

Puis, une voix,

tremblante, inquiète,

s'éleva dans le silence :

— Kael... fâché... moi… ?

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